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Est-on allé trop loin dans la retouche photo ?

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08 07 2024

Retoucher ses photos est devenu une pratique banale : modifier l’éclairage, les imperfections, ajouter ou enlever des éléments, tout est désormais accessible à portée de clic ! L’essor des réseaux sociaux et de l’intelligence artificielle a notamment contribué à brouiller les frontières entre retouche et réalité. Une question se pose alors : les retouches photo n’ont-elles pas complètement biaisé notre rapport au réel ?

 

Quelles pratiques pour la retouche photo ?

 

Plusieurs techniques existent pour retoucher ses photos, qui se perfectionnent de plus en plus grâce aux innovations technologiques. Parmi elles, on compte par exemple le lissage de la peau et la correction des imperfections, la modification de la silhouette, ou encore l’ajustement de l’éclairage, des couleurs ou du cadre. Sans oublier les filtres, capables de modifier plusieurs parties du visage en un clic ! Des logiciels comme Photoshop ont permis de démocratiser les retouches photo, mais des applications gratuites et intuitives continuent sans cesse de voir le jour sur le marché. On peut citer les applications VSCO, Piscart, ou des logiciels comme Adobe Express, la version freemium de Photoshop !

 

Ces pratiques, bien que courantes, causent néanmoins des problèmes pour les publics qui y sont confrontés. Voir continuellement des photos retouchées sur les réseaux peut entraîner des complexes, notamment chez les jeunes, et affecter leur santé mentale. D’après un article relayé par Nestlé, des travaux canadiens (Jennifer S. Mills, 2019) ont montré que des jeunes femmes de 18 à 27 ans à qui l’on interdisait de retoucher leur selfie observaient un sentiment de déprime, d’anxiété et une image de soi négative. Cette course à la retouche conduit aussi à suivre des normes de beauté irréalistes, sans cesse susceptibles d’évoluer. 

 

Ce phénomène est d’autant plus dangereux que les retouches photo sont difficiles à remarquer. Interrogée par Nestlé, la docteur Dominique Cassuto indique : “Le sentiment de mal-être sera d’autant plus redoutable que les jeunes femmes qui suivent [d]es influenceurs ne semblent pas déceler la mise en scène et le retouchage des photos.” Pire encore, ce sentiment pourrait conduire les jeunes à vouloir réellement modifier leur apparence : “Apparaît aussi la ‘dysmorphie Snapchat’ : habitués à modifier leur apparence avec l’application Snapchat (yeux agrandis, nez rétréci, peau lisse, dents blanches…), les jeunes s’adressent aux chirurgiens esthétique [...] pour correspondre à la version virtuelle retouchée par Snapchat.” Bien que banalisés, les filtres et les retouches ne doivent donc pas être pris à la légère !

 

Ces nouvelles tendances qui brouillent les limites du réel

 

Les retouches photo classiques pouvant créer des complexes ou sembler peu authentiques, de nouvelles tendances sont apparues pour altérer la réalité. Par exemple, pour contourner les retouches corporelles ou les filtres trop déformants, les tendances du “no makeup makeup” ou des photos “I woke up this way” ont émergé depuis quelques années. Le principe ? Poster des photos de soi montrant qu’on est très peu maquillé, ou qu’on s’est même réveillé ainsi, pour paraître plus sincère. Si cette technique semble être un gage d’authenticité, Cosmopolitan indique qu’il s’agit d’un maquillage “pourtant très travaillé”. Ces tendances se détournent ainsi des retouches photo a posteriori, mais jouent de manière ambivalente sur la notion de réalité !

 

Dans le registre des réseaux sociaux, un phénomène est apparu en 2020 : BeReal. Ce réseau social, qui se définit comme “l’anti-Instagram”, consiste à prendre une photo de soi et de son environnement à la suite d’une notification envoyée à une heure aléatoire de la journée. Ainsi, impossible de choisir une photo de sa galerie ou d’effectuer des retouches : le but est d’être au plus près de la réalité et de pouvoir la partager avec un cercle d’amis restreint ! Mais, comme tout réseau social, BeReal surfe avec la superficialité : il est facile de choisir ce qu’on souhaite montrer ou de jouer sur l’angle de la photo. Depuis que les marques ont intégré l’application en 2024, la promesse d’authenticité de BeReal est aussi challengée par des mises en scène particulièrement travaillées ! France Culture en conclut : “Une image dénuée de tout contrôle ? Cela semble peu plausible.”

 

Enfin, un tournant radical est arrivé en 2023 : l’IA générative. Comme l’explique le site Cyber Institut, “cette technologie utilise des algorithmes avancés pour générer des données qui peuvent inclure du texte, des images, de la musique, et même du code.” En rédigeant un simple prompt, les IA génératives sont capables de brasser des milliers d’images pour en créer une personnalisée. Cette technologie de pointe a permis à des utilisateurs anonymes de générer des images de célébrités dans des situations absurdes ! On se souvient notamment des fausses photos du Pape François en doudoune Balenciaga, ou de Donald Trump se faisant arrêter par la police. Les IA génératives ont aussi la capacité de copier la voix d’une personne, ce qui permet de créer des deepfakes : de faux enregistrements audio ou vidéo très réalistes. Cette innovation peut être très dangereuse, puisque difficilement reconnaissable, et peut contribuer à propager des fake news à large échelle. Autant de tendances qui brouillent les frontières entre retouche et réel !

 

Quelles mesures pour encadrer les retouches photo ?

 

Dans un monde où les innovations technologiques évoluent à toute vitesse, certaines mesures sont prises pour réguler l’usage des retouches. Les marques sont déjà obligées de noter si leurs campagnes ont été retouchées ou créées à l’IA, mais d’autres s’engagent même à ne pas y avoir recours. C’est le cas de la marque de cosmétiques Dove, qui a annoncé en avril 2024 sa volonté de ne jamais utiliser l’IA pour générer des images censées représenter la beauté de la femme ! L’objectif de la marque est ainsi de continuer à promouvoir la beauté naturelle, alors que l’intelligence artificielle rencontre encore des biais lorsqu’on lui demande de créer des images représentant de belles femmes.

 

D’autres mesures sont prises par les réseaux sociaux eux-mêmes, où des millions d’images sont partagées chaque jour, pour encadrer l’usage de l’IA et des retouches. Par exemple, Instagram a récemment introduit la fonctionnalité “Identifier l’IA” pour indiquer qu’une photo a été créée à l’aide de l’IA. Malgré ces recommandations, il faut toujours rester attentif aux retouches, pour ne pas tomber dans la désinformation ! National Geographic recommande ainsi de se renseigner sur la source des photos, d’analyser l’éclairage et de se méfier des faits d’actualités sensibles, qui peuvent être sources de nombreuses fake news et deepfakes. Autant de moyens de ne pas tomber dans le panneau !

 

On peut vraiment dire que les retouches sont partout autour de nous ! Il faut néanmoins s’en méfier et s’efforcer d’analyser les photos qui circulent sur Internet, pour ne pas mêler mensonge et réalité. À ce sujet, Sophie Yannicopoulos, Directrice Générale d’Adobe France, nous a révélé tous les secrets sur Photoshop, l’outil de retouche photo aujourd’hui devenu incontournable. Son interview est à retrouver en exclu sur ON TISSE LA TOILE !

 

Par Marion TSCHUDY


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